ce que j'ai été et ce que je suis aujourd'hui

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été avec Grand-Ma. Bien sûr que j’ai eu des parents. Mais ils n’ont pas pu s’occuper de moi, ils sont morts à peine quelques années après ma naissance. Grand-Ma ne m’a jamais expliqué les circonstances de ce qui est arrivé. Et je n’ai jamais demandé. Nous autres chieresques, nous n’avons pas peur de la mort car elle est la volonté de Chierà'h et nous la respectons. Jusqu’à maintenant, je me contentais d’accepter cela. Tout comme j’acceptais ma vie parmi les miens, que je trouvais simple et heureuse. J’étais en profonde admiration pour notre monde qui me semblait si accueillant et généreux.
Mais depuis quelques temps, cette acceptation n’est plus tout à fait inconditionnelle car ma vie sur Oblivion ne me satisfait plus pleinement. Du coup, pour mes parents, je m’interroge. Sont-ils morts en chasse ? Ou d’une maladie ? Je n’ose pas poser de questions.

Grand-Ma dit qu’il faut prier et dire merci pour chaque belle journée qui nous est accordée. Elle est sage, ma grand-mère. Elle a servi trois fois en tant que prêtresse, à chaque étape de sa propre vie. C’est le maximum de fois qu’une femme peut exercer au service du Temple. Aujourd’hui elle fait partie du Conseil du Campement du Firmament. C’est ici que je suis née et que j’ai grandi. Un endroit magnifique, vraiment. C'est un village hétéroclite, on y trouve des chieresques et des étrangers. Une mixité intéressante. Mais où rien de transcendant ne se passe...

C’est pourquoi je me risque à diverses explorations pour découvrir Oblivion. Ca ne date pas d’hier. Mes sorties furtives du village ont commencé alors que j’étais môme. Tous les gamins le faisaient et nous avions d’ailleurs débuté par de petites expéditions collectives. Mais très vite, après avoir appris à chasser, j’organisais mes propres aventures en solo. J’étais une adolescente timide, réservé et un peu solitaire. Il faut dire que ma passion pour les Etrangers n’était pas franchement partagée.
La chasse m’a toutefois aidé à m’affirmer et m’endurcir un peu. Etant plutôt douée, j’obtiens une certaine reconnaissance de mes pairs. J’ai aussi acquis de l’agilité et de l’endurance qui ont servi ma soif d’explorations dans la jungle environnante.
Je n’ignore pas que Grand-Ma souhaitait ardemment que je me mette au service du Temple à mon tour. C’est une belle façon de faire honneur à la vie, je le sais. Mais j’avais dès l’adolescence d’autres ambitions. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop.

Au cours de mes expéditions, je finis par tomber sur un étrange monument qui ne me disait rien. Il ne semblait pas être construit par mon peuple. Pendant un temps, je me dis qu’il s’agissait peut-être d’un bâtiment d’un autre clan chieresque. Mais le doute persistait. Et je ne pouvais pas en toucher mot au village...
Alors je retournais l’examiner. Encore. Et encore une fois. Et une autre. J’y allais très souvent et l’observait pendant de longs moments, laissant mes pensées dériver. C’est finalement devenu presque comme un lieu de méditation pour moi. Je n’ai parlé de cet endroit qu’à une seule personne.

Neal. Je n’avais que 15 ans quand je l’ai rencontré. Il venait tout juste de débarquer sur Oblivion, il était complètement paumé et a résidé quelques temps au Campement. Je ne sais pas trop pourquoi, mais un il a été invité à se joindre à une chasse. Comme j’étais la seule des chasseurs à parler anglais, notre duo fut commis d’office.
Il n’osa pas me le dire au début, mais je constatai bien vite que c’était un vrai boulet. Je veux dire, on voyait bien qu’il n’avait pas l’habitude de faire ça ! Et quand je lui demandai comment il se nourrissait chez lui, il tenta de m’expliquer le principe des supermarchés. Je n’en compris rien ce jour-là.
En attendant, il semblait aussi curieux de mon monde que je l’étais du sien. Il me posa énormément de questions et je fus plus que ravie de lui répondre. J’adorais lui expliquer notre univers et nos traditions. Il était sympathique et ne faisait pas partie du village. Alors je lui ai parlé du fameux monument. Mais nous n’eûmes pas le loisir de pouvoir nous y rendre ensemble.

Mais nous allons peut-être bientôt rattraper cela puisque je viens de revoir Neal. Ca fait presque 7 ans maintenant que nous ne nous étions pas revus. Chacun a poursuivit sa vie de son côté. Lui semble s’en être pas trop mal tiré d’ailleurs. Ce qui importe néanmoins, c’est que nous avons tous les deux appris pour les chevrons et que nous cherchons les mêmes merveilles. Devant cet objectif commun, et d’autres arguments, j’ai accepté de mener les recherches avec lui. Mais je ne suis plus la petite fille que j’étais et il va vite voir que je suis déterminée et sûre de moi.
Je ne sais pas trop comment cette aventure va se passer mais je ne suis pas inquiète. Au contraire, je suis plutôt excitée à cette idée. Je quitte donc mon village pour de bon cette fois. Promis Grand-Ma, j’y repasserai de temps en temps. On ne trouvera pas toutes les merveilles en une semaine de toute façon !

se battre pour protéger les siens

L’alerte a retenti hier soir. La lumière des signaux envoyés dans le ciel pouvait être aperçue de presque tout Oblivion. Cet éclat au milieu des étoiles, Briséis l’a distingué alors qu’elle rentrait d’un pas tranquille au Campement après une journée passée dans la jungle.
Courir. Courir le plus vite possible. S’envoler presque en sautant les obstacles végétaux. Une telle alerte était exceptionnelle. Elle ne pouvait traduire qu’un incident extrêmement grave. Une dramatique menace. Non, un réel danger même. Qui était en danger ? Il fallait s’informer et réagir vite.

Briséis arriva chez elle au milieu de la nuit. Malgré l’heure tardive, le camp était en ébullition. Pas de repos. Beaucoup de femmes s’étaient rassemblées et priaient, sans doute depuis plusieurs heures déjà. A première vue, les guerriers avaient quitté les lieux depuis un moment. Mais pour aller où ? La jeune femme appris rapidement que les tambours du Temple avaient résonné. C’est un messager qui avait rapporté ces nouvelles. Il ignorait qui menait l’attaque contre ce site sacré. Il n’avait pas d’autres informations.
Grand-Ma était là, évidemment. Elle embrassa le front de sa petite-fille qui ne tarda pas à prendre la route du Temple de Chierà’h, armée de son arc, ses flèches et sa longue dague.

Courir encore. A toutes jambes. Avec agilité sur un terrain connu depuis l’enfance. Ne pas perdre de temps. Les tambours avaient résonné, il fallait défendre les prêtresses, le Temple, la foi. Dans la tête de la jeune Briséis se bousculaient les questions : qui voulait s’en prendre au Temple ? Et pourquoi ? Elle savait que les Etrangers n’avaient pas accès à ce lieu. Pouvaient-ils être au courant de ce qui s’y trouvait ? Elle trouvait cela improbable.
Sans s’essouffler, sans se fatiguer, elle courut. Le soleil se leva. Elle courut encore toute la journée, ne s’arrêtant que brièvement pour grignoter quelques fruits et en récolter quelques autres qu’elle gardait en réserve. Le sommeil était loin de la perturber. Une formidable énergie s’était emparée d’elle, accompagné d’une certaine inquiétude. Pourvu que je n’arrive pas trop tard !
Etonnamment, elle n’avait croisé personne sur la route. La nuit tomba lorsqu’elle arrive à proximité de sa destination. Bizarre… Pas un bruit, pas un mouvement. Tout semble calme, trop calme. Briséis observa le Temple. Elle estima sa position : elle arrivait plein sud.

Elle pénétra dans le Temple en escaladant habilement les murailles. Cette fois encore elle fut surprise de ne trouver personne. Mais peu de temps après, elle découvrit au nord les corps couvrant le sol. Les Gardiens… Des guerriers de différents villages. Des Etrangers aussi ? Etaient-ils morts ? Certains oui. D’autres semblaient simplement endormis. Que se passait-il ici ?!

Briséis s’avança vers le cercle qui s’était formé. Elle y reconnut quelques visages, notamment une des gardiennes, Penthésilée. Il était question de fomenter un piège. Mais une autre femme chieresque prit la parole : « Si je peux me permettre...Les tenir à distance pourrait vous aider à préparer votre piège et nous ferait gagner un temps précieux que nous perdons en nous querellant.»
L’attaque devait être imminente car la plupart des personnes présentes étaient tendues, sur les nerfs. Les possibilités d’action étaient minces car il y avait peu de combattants valides, si Briséis comprenait bien la situation – ce qui n’était pas aisé quand on débarque au milieu de l’action ! Par ailleurs, elle n’était pas encore certaine que les assaillants en voulaient à la Pierre.

Aussi, et en regard de l’urgence de la situation, elle ne s’embarrassa pas de timidité : « Je soutiens cette proposition. Je m’appelle Briséis. Je ne comprends pas bien ce qu’il s’est passé ici, mais pas le temps d’expliquer pas vrai ? Je sais me battre et je pense qu’il faut à tout prix tenir à distance les attaquants. C’est le moins que l’on puisse faire dans l’immédiat. Préparer un piège prend du temps et nous en avons peu. »