Le ciel.  La terre. L’eau. Oblivion et ses mille couleurs. Les immeubles qui touchaient le ciel, aucune maison dans les arbres, parfois aucune nature – c’était là le récit de ces êtres venus d’ailleurs. Lorsqu’ils contaient leurs légendes, leurs récits sur leur « ailleurs. » Je me demandais comment ils pouvaient respirer, vivre dans un environnement pareil que j’avais terriblement du mal à m’imaginer. Apparemment, qu’il y avait que peu de nature à certain endroit voir pas du tout. Intelligente certes mais,  je ne comprenais pas tout - comment imaginer une chose que je n’avais jamais vu ? L’image que j’avais devant les yeux était-elle vraie ? Oblivion, c’était toute ma vie. Jamais, je n’avais pensé à partir et jamais j’en partirais. J’étais curieuse de ce que les nouveaux venus pouvaient nous raconter, je buvais leurs paroles comme le plus délicieux des nectars. Pour eux, Oblivion devait représenter un retour à l’état sauvage, une redécouverte de la nature. Certains cherchaient leurs proches, d’autres fuyaient un monde qui ne leur correspondaient pas. Fuir. Je savais ce que c’était mais, fuir au-delà d’Oblivion… cette pensée m’effrayait à peine m’effleurait-elle l’esprit. Ne plus entendre le souffle de notre Mère à tous, Chiere. Alors, je fus surprise lorsque je vis cette petite fleur à peine éclose surgir de nulle part au milieu du Jardin des Rêves Tissés. Tout devint silencieux. Il était rare de m’y voir, les femmes venaient y bavarder mais, la présence des amoureux me dérangeait ainsi que celle des enfants... En réalité, je cherchais Isil. (ndlr. Isil Jodar, Scénario) Malgré la jalousie, l’une de ses sœurs était venue me trouver, elle était inquiète pour Isil, des risques qu’elle prenait, de sa décision de s’en aller. Apparemment, que moi, elle m’écouterait…

L’attention de tous s’était reportée sur la blondinette qui venait d’apparaitre sous nos yeux. Certains s’approchaient d’elles déjà sans bruit. S’était-elle perdue ? Egarée ? Cherchait-elle quelque chose, elle aussi ? Tout le monde avait un but précis en Oblivion. Plusieurs enfants s’approchèrent de la jeune blonde ainsi que des femmes. L’un des enfants fit craquer une branche sous ses pieds. Je levais un sourcil, rétractant le bord de ma bouche. Discrétion zéro.  Je la vis se pencher et ramasser une pierre. Mmmh, était-elle nouvelle ici ? Venait-elle d’arriver pour essayer de nous attaquer à coups de pierres… Je fis quelques pas afin de m’approcher. Au passage je décoiffais gentiment le petit chieresque qui avait fait du bruit, il se mit à faire un petit gazouillis comprenant que c’était lui qui nous avait dévoilés. Mon cœur se serra. Mais, je continuais à marcher, dépassais le groupe de chieresques et m’approchais doucement. Je me stoppais à une distance raisonnable, elle était prête à jeter sa pierre. Je tendais le bras, les mains dans sa direction pour lui montrer que nous étions désarmés et non ennemis. L’anglais, je l’avais appris quand les étrangers commencèrent à se multiplier par ici, je me hasardais à lui parler en espérant qu’elle le parle, elle aussi….

« Il te faudra bien plus qu’une pierre pour venir à bout de tous les habitants du Refuge du Petit Matin, tu sais… Tu ne crains rien ici. Sais-tu où tu es au moins ? Le Jardin des Rêves Tissés est l’un des rares endroits où tu peux errer en parfaite sécurité en Oblivion, étrangère. »

J’avais fais encore quelques pas pour arriver près d’elle. Prête à l’arrêter si jamais, elle tentait une action stupide.

La pierre tomba sur le sol, un sourire esquissa mon visage. Les étrangers m’amusaient avec leur habitude que je ne comprenais pas toujours. La pierre roula à mes pieds, visiblement il n’y avait rien à craindre de « Eli ». Je faisais partie de ces chieresques qui souhaitaient aider les Orphelins à retrouver leurs proches. Curieuse de leur culture, j’aimais passer du temps avec eux. Certains de nous pensaient à quitter Oblivion et aller « ailleurs ». Ce n’était pas mon cas. « Eli, la guerrière à la pierre. Je me nomme Ambal Sajor, enchantée. » Ce dernier mot, je l’avais dis en français. Le seul mot que je connaissais en français d’ailleurs. Je ne parlais qu’anglais, heureusement que c’était son cas également. Elle me tendit sa main, j’eus l’air surprise de voir une jeune fille faire cela, je pensais que c’était seulement pour les hommes.  « Oh…Je vois. Tout le monde se serre la main comme cela de là où tu viens ?  » Je lui pris donc la main et lui serra. Je ne voulais pas la vexer, elle faisait un pas vers nous et hissait son drapeau blanc. Mais, ici c’était différent on ne se serrait pas la main. Les premiers rapports avec les êtres venus d’ailleurs quel qu’il soit étaient assez compliqués, certains voulaient notre bien mais, d’autres avaient des avis divergents comme parmi les chieresques d’ailleurs. Il fallait toujours se méfier.  « D’ailleurs, d’où viens-tu Eli ? Canada ? Athènes ? France ? » Je répétais machinalement et phonétiquement les mots que j’avais appris. Visiblement, ils préféraient un seul mot pour faire référence à leur village contrairement à nous.

Elle avait l’air inoffensive mais, j’avais trop tendance à croire en ces étrangers au détriment de ma vigilance. Une nouvelle s’aventurant dans la jungle, toute seule ? Était-elle folle ? Ou inconsciente ? Téméraire, trop téméraire ces étrangers que l’on devait secourir. Trop sûr d’eux  à croire qu’ils peuvent dominer le monde et être plus fort que Mère Nature.  « Es-tu perdue ? Ou cherchais-tu quelque chose… ? Je peux t’aider peut-être. » Je l’examinais pour voir si elle n’était pas blessée, si elle n’avait pas fuit une bête sauvage. Il semblerait que non. De nature, assez inquiète, je m’assurais qu’elle aille bien, si je pouvais lui venir en aide cela serait avec plaisir. Pédagogue et protectrice, ces étrangers m’inquiétaient – je me demandais d’ailleurs comment ils pouvaient survivre en Oblivion. Peut-être visitait-elle les environs ? Néanmoins, c’était assez dangereux, sans arme, sans rien.  Je levais la tête, une fleur nous surplombait, je reconnu la grenadille. Plante grimpante, connu comme le fruit de la passion m’avait-on dit. Une forme assez étrange et exotique. Je la cueillis et demanda à Eli : « Tu aimes ? ». Je lui fis un sourire, je n’essayais pas de l’empoisonner. J’aimais son goût un peu acide, j’avais déjà remarqué que les étrangers n’étaient pas très enclins à tout ce qui avait attrait à la nature. Peut-être me trouverait-elle bizarre ? J’attendais de savoir si elle aimait, simple politesse, si elle me répondait oui je lui donnerais si non, je me ferais une joie de croquer dedans. Si elle était là, elle avait du être piquée par la curiosité soit de découvrir Oblivion et ses merveilles, soit de venir rencontrer les chieresques mais, je ne le pensais pas au vue de sa réaction.

Néanmoins, j’étais bien décidée à partager mon amour des oiseaux et des petites fleurs avec elle.

Les Orphelins, Ambal ne les craignait pas. Pour elle, ils avaient fais leur preuve. Ils étaient de leurs côtés, inoffensifs. Pas tous, mais presque. Elle n’en avait pas peur, pas d’eux. James McAllister avait, tout de suite, montré patte blanche et avait donné sa parole. La confiance s’était installée avec eux. Ambal leva un sourcil, Eline ne s’était pas encore bien habituée à Oblivion et à nos coutumes. Même si nous devions nous habituer à ces étrangers foulant notre sol, c’était à eux de s’habituer à notre façon de vivre. Ils n’avaient guère le choix. La chieresque ne situait pas vraiment Londres, enfin si elle le situait dans un imaginaire dont elle avait, elle-seule les clés. Elle ne pouvait pas inventer ce qu’elle n’avait jamais vu. Pour elle, Londres était un campement comme l’était Petit Matin. Dans un sens, les deux lieux pouvaient être comparés à deux capitales.

Elle cherchait quelqu’un - tout le monde en Oblivion cherchait un quelqu’un, un idéal, un trésor à ramener dans « l’ailleurs ». Cette terre qu’aucun chieresque ne savait imaginer. « Qui cherches-tu ? » Elle semblait perdue, cela n’étonna pas Ambal - les lieux bougeaient en Oblivion, au fil de leurs envies. Oblivion était vivant peut-être qu’Oblivion vivait car le coeur des chieresques battait pour Oblivion et croyait en Chiere, notre mère à tous. Peut-être que c’était cela la ‘magie’ d’Oblivion, il suffisait d’y croire pour ne pas se perdre, pour s’y retrouver. Ambal lui avait proposé son aide de bon coeur, la chieresque n’avait aucune once de méchanceté. Elle avait pardonné le geste d’Eline. Les personnes étaient prêtes à tout pour survivre, Ambal le savait et comprenait ce besoin d’autodéfense.

« Tu viens du Village des Orphelins, c’est cela ? » Eline n’avait pas besoin de convaincre Ambal. Elle allait l’aider, même si quelques instants plus tôt elle avait voulu les attaquer. Ce n’était rien de méchant, Ambal l’avait bien compris. Eline était perdue, Oblivion était hostile. La loi de la jungle. Elle avait agi de manière naturelle. Se défendre du danger, elle avait eu un bon réflexe. Il le fallait en Oblivion, le danger était partout. « Je vais te ramener chez toi. Ce n’est pas très loin d’ici. Tu ne devrais pas t’aventurer seule comme ça, surtout si tu n’es pas à l’aise avec les environs. Cela pourrait être dangereux. Tous les chieresques ne sont pas aussi tolérants que les habitants de Petit Matin. » Pédagogue. Pleine de sagesse, les mots sortirent de la bouche de la chasseresse même si cette dernière se doutait bien qu’Eline avait du entendre ces mises en gardes déjà pleins de fois. Ambal la regardait paisiblement. Si elle faisait partie des Orphelins, elle était là depuis six mois. Certains n’avaient encore jamais osé sortir du campement. C’était compréhensible. A Londres, il y avait moins de risques de se faire attaquer par une panthère, un lynx, un puma... Ambal s’hasarda à poser une question un peu tabou... « Tu te plais en Oblivion ? »

Peut-être était-ce cela la particularité des chieresques - nous étions chaleureux. Nous nous arrêtions pas à la couleur de la peau, qu’on soit noir, blanc, ou rouge nous étions tous les enfants de Chiere, nous bénéficions tous de sa bénédiction. Nous sommes tous frères et soeurs. Un immense cercle de vie dans lequel les étrangers venaient se greffer. Eline ne nous voulait pas de mal, c’est normal de vouloir se défendre dans un monde hostile tel qu’Oblivion surtout quand on  ne connaît pas les environs. Toutefois, les ennemis, nous l’avions vus, les attaquants du temple étaient les étrangers - ces égarés renégats qui avaient décidé de mettre à feu  et à sang Oblivion ... et cela ne faisait que commencer. Les chieresques n ‘étaient pas les adversaires, Ambal avait peur que tôt ou tard la situation dégénère. Nous avions accueilli les Orphelins à bras ouverts, leur cause nous avait touché. Ambal avait eu l’occasion, déjà, de parler à quelques Orphelins le même discours apparaissait : « je cherche un frère » « je cherche une soeur » « je cherche un mari » alors quand Eline lui répondit qu’elle cherchait un homme qu’elle ne connaissait pas... Ambal douta. « Chiere t’aidera à arriver jusqu’au bout de ta quête. » Elle n’insista pas, elle-même avait ses propres zones d’ombres, ses mystères et ses secrets, elle n’aurait pas aimer que quelqu’un lui force la main pour comprendre ce qu’elle cachait au fond de son coeur.

La tristesse se voyait dans les mots d’Eline. « Tu as eu un mauvais départ. Je suis certaine qu’au fil du temps, tu te feras des amis. » Le côté maman d'Ambal refaisait surface. Ils allaient perdre espoir à force... Cette pensée venait, pour la première fois, de traverser l’esprit d’Ambal... Des personnes désespérées agiraient de manière irréfléchie ce qui mettrait tout le monde en danger. Les chieresques devaient aider les Orphelins à retrouver leurs proches et à retourner dans leur monde... Ambal ignorait comme faire, partir d’Oblivion ? Elle n’y avait jamais réellement songé. Découvrir « l’ailleurs » ? Ca, non plus c’était une notion très floue apparue en même temps que l’arrivée des Orphelins. « Chiere te mettra sur la bonne voie, peut-être que les indices sont là sous tes yeux mais, tu n’as pas encore pu les voir. »

Ambal commençait sa petite marche vers le Village des Orphelins. Eline avait laissé un goût amer dans la bouche de la chasseresse, peut-être que cela était dû à la différence entre ces deux femmes... Elle aurait tant aimer faire plus pour lui venir en aide, l’aider à retrouver cet homme qu’elle ne connaissait pas - comment le retrouver d’ailleurs si elle ne connaissait pas ? L’avait-elle seulement vu au moins une fois dans sa vie ? Après tout, cela ne regardait pas Ambal, James McAllister s’occupait de son groupe et les mèneraient au bout de leur épopée - cela Ambal en était convaincue. Elle ne savait pas bien qu’était James McAllister... la notion de chef, de dirigeant ne lui était pas familière.

Le soleil était à présent à son zénith lorsque les maisons suspendus des Orphelins apparurent sous nos yeux. « Nous sommes arrivées, je te laisse ici tu es en sécurité désormais. Prends une arme pour te défendre la prochaine fois, à coup de pierres tu n’iras pas très loin. » Ambal lui resserra la main comme lors de notre rencontre légèrement plus tôt.  «  Au revoir »  dit-elle, elle avait vu des Orphelins faire ainsi la dernière fois, elle essayait d’apprendre leurs coutumes pour mieux les comprendre - en espérant qu’à leur tour, ils fassent la même chose.