C'est l'histoire de la vie!

Hier, j'ai appris la disparition de Vladimir. Vladimir, c'est mon fiancé. L'homme que j'aime. Et, il a disparut. Je ne sais pas où. C'est même insensé. Incroyable et surtout anormal. Je suis persuadée qu'il ne m'aurait jamais abandonnée sans me donner de nouvelles. Sans rien dire. C'est pas normal. Pas normal du tout.

Qu'est ce que je peux dire de ma vie ? Elle n'a rien d'extraordinaire. Tout ce que j'ai fais, c'est surtout pour tenter de me démarquer des mes grandes sœurs. Histoire que mes parents soient fiers de moi aussi. Je ne sais pas réellement pourquoi je ne suis jamais rentrée dans leur bonnes grâces. Probablement parce que je n'étais pas désirée. Non, je n'étais pas désirée. Je suis la petite dernière mais je ne suis pas une enfant que mes parents voulaient. Pourquoi m'avoir gardé dans ce cas ? Oh oui, nous sommes protestants et l'abandon comme l'avortement n'est pas vraiment bien vu dans ce monde religieux. Du coup, ils ont bien été forcé de me garder. Tant pis pour eux et tant mieux pour moi non ? Je ne sais pas. Ma vie était assez banale finalement. Ecole, maison, école, maison. Rien d'extravagant jusqu'à mes quatorze ans.

Avec Piotr, mon grand frère, ça a toujours été particulier. On s'entend à merveille. Il est très proche de moi et, parfois, j'ai l'impression d'être cette petite sœur parfaite qu'il rêvait d'avoir. Si je ne m'entend pas spécialement bien avec ma sœur, avec Piotr c'est différent. On est vraiment lié l'un à l'autre. Moi je l'admire en tant que sportif de haut niveau et lui il m'en a donné le virus et m'encourage à toujours pousser au delà de mes limites. J'ai donc choisis l'escrime. C'est particulier comme sport mais c'est très intéressant. Mais même si l'escrime est mon domaine de prédilection, avec Piotr nous avions un passe temps, un pêché mignon. Quelque chose qu'on faisait dans le dos de nos parents pour éviter de se faire engueuler. L'escalade.

Je me souviens quand Piotr m'emmenait avec lui en weekend. On disait qu'on allait faire du camping mais en vérité, on allait braver les dangers des montagnes. Si nos parents savaient ça. C'était un moment unique et à nous deux. Je connais la parois rocheuse comme ma poche et c'est grâce à mon frère. Mais en grandissant, j'ai choisis de devenir escrimeuse professionnelle. Malgré que mes parents n'approuvaient pas réellement ce choix, je m'en fichais, je voulais juste continuer d'être la petite fierté de Piotr. J'ai toujours reçu des encouragements de sa part, jamais rien d'autres. J'ai toujours pris ses critiques comme des forces qui me poussaient à m'améliorer encore et encore. Et j'ai bien fait. Sans ça, je n'aurais pas rencontré l'homme le plus parfait que la terre ait porté.

Lors d'une compétition, alors que j'avais dix-neuf ans, j'ai fait la connaissance de Vladimir, un jeune Russe, un peu plus âgé que moi. Il était dans l'équipe masculine, venu représenter son pays. Même si j'avais craqué pour ce beau mâle, on a mit du temps avant de réellement sortir ensemble. Déjà, parce qu'il y a eut longtemps, de la distance entre nous. Lui il est de Saint-Pétersbourg. On a longtemps communiqué par lettres, téléphones et un peu par internet. Mais c'était évident, pour lui comme pour moi, qu'on était fait l'un pour l'autre. Alors, au bout de deux ans de relation à distance, j'ai décidé de le rejoindre et d'aller vivre avec lui, définitivement. On a vécu avec des moyens assez modestes mais au moins, on était ensemble. Et puis, on pouvait s'entrainer ensemble.

La passion de mon cher Vladimir, c'est les voyages. Je l'ai suivis dans bons nombres de ses voyages et il m'a fait découvrir ses coins préférés. J'ai cessé de le suivre quand j'ai commencé à être malade en visitant le Kenya. C'était insupportable cette chaleur. Je ne sais pas comment il fait lui pour la supporter. Du coup, j'étais devenue limitée en matière de voyages. Mais je n'ai jamais empêché Vladimir de faire ce qu'il voulait. J'aurais peut être dû en y repensant. Et maintenant, c'est moi qui suis en route pour l'Egypte afin de retrouver ce qui me sert de fiancé. Je suis à la fois terrifiée et furieuse. J'espère qu'il est en vie et qu'il va bien. Parce que je vais l'étrangler de m'avoir fait une telle frayeur.

Depuis que James nous a traîné dans ce maudit pays, j'ai la sensation d'avoir perdu pied. Je ne supporte plus la chaleur qui règne ici. Malgré tout, j'essaie de rester vivante afin de retrouver Vladimir. Je commence à oublier certains souvenirs de mon passé, je ne sais même plus comment James m'a trouvé. Les autochtones sont particulièrement gentils avec moi, je dois leur faire tellement pitié à crever sous la chaleur. J'ai vraiment du mal à me faire à ce climat, d'ailleurs, je ne sais même pas si je vais sortir d'ici vivante. J'ai peur d'être ici et j'ai envie de vite retrouver Vladimir pour qu'on puisse s'en aller. Parce que je ne partirais pas sans lui. De plus, j'ai toujours cette blessure à l'épaule qui se réveille par moment, comme si elle ne voulait pas que je l'oublie. Ne t'en fais pas, je ne t'oublie pas toi non plus.

Je suis totalement inutile comme personne. Je ne peux rien faire de bien sans donner l'impression que je suis en train de fondre. Je me trouve moi même pathétique et je ne sais pas vraiment si les autres m'apprécie du coup. Sûrement que la plupart me trouvent juste fainéante. Il faudrait que je sois morte pour leur prouver le contraire. Il y a cette... pétasse! Tracy. Je ne la supporte pas. Si elle était à ma place, elle saurait que je ne joue pas la comédie mais j'espère que le jour où je finirais par mourir d'épuisement, elle s'en voudra à mort. Et je viendrais la hanter pour lui faire payer. En dehors de "ça", il y a des gens appréciables, comme James. Ou encore Gabriel.

Mhmh... Gabriel. Je ne sais pas quoi penser de lui, j'aime passer mon temps avec lui, à l'écouter me parler russe, répéter mes phrases avec un accent à faire peur mais qui me fait rire. Entre nous, c'est facile, pas de prise de tête, on s'accepte comme on est. On se parle souvent, mais on cherche pas à s'immiscer dans la vie de l'autre. Je veux quand même arrêter de m'attacher à lui. Je veux pas oublier Vladimir, je suis là pour ça. Une fois partie d'ici, aux oubliettes Gabriel. Je reprendrais le cours normal de ma vie! Quoi que, peut être qu'il sera moins facile que ça de l'oublier...

citation

J'en peux plus, je suis épuisée et je me sens sans aucune force.. Je suis assise sur une pierre, fixant alors mon reflet dans l'eau agitée. Je suis venue jusqu'ici à dos de cheval pour éviter de trop m'épuiser. Je ne sais plus du tout comment faire pour maintenir mon corps au frais. J'ai viré mes vêtements, ne gardant que ma culotte, j'ai un brin de pudeur quand même. J'ai tellement envie de me plonger dans l'eau et d'y mourir. Mourir dans le froid, c'est ça que je veux. Je suis comme un petit renard polaire qui dépérit sous la chaleur écrasante de ce monde inconnu. En plus de m'effrayer, il va finir par me tuer. J'aimerais revoir Vladimir au moins une fois avant de m'éteindre. Je suis une étoile qui se meurt. Mon éclat n'est plus réellement aussi scintillant qu'avant.

Est ce que c'est ici que je vais finir ma vie ? J'en sais rien. C'était peut être pas comme ça que mon avenir devait se dérouler. J'aurais peut être du accompagner mon fiancé, on se serait perdu ensemble. J'ai de l'espoir, beaucoup d'espoir de le retrouver. De toute manière, je suis là pour ça. Je ne veux pas partir sans avoir la preuve qu'il est vivant. J'espère surtout qu'il va bien. Je ne sais toujours pas quelle folie m'a prise pour venir jusqu'ici. C'est comme si je creusais ma tombe à mains nues et que je m'en arrachais les ongles sans ressentir la moindre douleur. Je finis par m'allonger sur mon rocher, pas certaine qu'il puisse rafraichir mon pauvre corps meurtri par la chaleur.

Je roule lentement sur le dos et je fixe le ciel. Le soleil décline à l'horizon, annonçant enfin l'arrivée de la nuit. C'est mon moment préféré depuis que je suis ici, c'est étrange. Moi qui n'aime pas réellement la nuit. Elle en devient ma meilleure amie. Avec la nuit vient la fraîcheur. Et je sais que je me sentirais mieux à ce moment là. Le problème reste que la journée, je suis mal, mal, mal. Ma main glisse lentement vers l'eau, attirée comme un clou vers un aimant. Je ferme doucement les yeux en savourant la fraicheur du liquide sur ma peau. Oh et puis allez, j'y vais ! Je finis par rouler sur le côté, basculant dans l'eau sans me priver. Il fait tellement chaud dehors que l'eau ne me semble pas assez froide mais bien assez pour me soulager un instant. Si certains préfèrent les bains chaud, moi je préfère les bains froids.

Je remonte au bout d'un court instant, glissant mais mains sur mes cheveux pour les plaquer vers l'arrière. Ah, je me sens légèrement revivre et je ne veux pas être ailleurs. Je me fiche de savoir qu'un serpent va venir me picorer les fesses ou qu'un poisson viendra nager près de moi, curieux de savoir ce que je suis comme bestiole qui dérange sa tranquillité. Peut être même que je vais me faire attaquer par un prédateur. Je m'en fiche en fait, je suis bien là, je me reposer, c'est encore meilleur qu'un jacuzzi. Pour moi c'est jacuzzi de glaçon. Je soupire de bien être, me calant contre la roche en posant ma tête dessus, manquant presque de m'endormir. Je dois ressembler à une gamin à barboter dans l'eau comme si plus rien n'avait d'importance.